25/4/2019
L'origine de la santé et sécurité au travail - la SST au Québec a beaucoup à nous enseigner quant à son état actuel, ses enjeux et où elle se dirige. En s'y penchant, on observe aussi qu'elle se transforme souvent en réaction à des crises sociales importantes pour les travailleurs d'ici, et que les rapports de force entre le patronat et les mouvements ouvriers sont plus déterminants des conditions de travail des employés que les évidences scientifiques.
Les débuts de la SST au Québec remontent à la fin du 19esiècle : la seconde révolution industrielle propulse alors le développement des manufactures et la formule où un employé vend sa force de travail contre un salaire. En contrepartie, le patron achète la force de travail de ses employés pour produire un bien ou un service qu'il peut vendre à profit.
Chaque coût que l'employeur peut réduire, chaque économie envisageable augmente la marge de profit du bien/service vendu. Cet aspect est rapidement problématique : on ne fait pas le ménage des ateliers de production, on économise sur l'éclairage, on ne rénove pas les bâtiments insalubres, on embauche des femmes et des enfants pour payer moins cher la main d'œuvre et les conditions de travail deviennent de plus en plus abusives. Face à ces conditions insoutenables, la classe ouvrière décide de s'organiser et de faire pression sur les dirigeants politiques pour faire changer les choses.
En 1885, on adopte la première loi québécoise du travail : L'Acte pour protéger la vie et la santé des personnes employées dans les manufactures, aussi appelée L'acte des manufactures de Québec. Cette première loi vise à baliser des conditions minimales de salubrité et de sécurité dans les ateliers de production pour protéger les employés.
Toutefois, il n'y a toujours aucune indemnisation des accidents à cette époque, et le travailleur blessé doit prouver la responsabilité de l'employeur à ses propres frais et que même s'il y parvient, les employeurs ne sont pas forcés de s'assurer et sont souvent insolvables. Il faudra attendre la Loi des accidents du travail (LAT) en 1931 pour que les employeurs doivent financer entièrement un régime d'indemnisation des victimes du travail, afin qu'ils obtiennent en retour un régime collectif d'assurance-responsabilité. Avec ce nouveau régime, les victimes renoncent à leur droit de poursuivre l'employeur en responsabilité civile.
En 1979, un véritable pivot dans l'approche de la SST au Québec apparaît. Plutôt que d'être uniquement réactionnaire et de traîner derrière les pays européens en terme de protection des travailleurs, la Loi sur la santé et sécurité du travail est adoptée et fait du Québec un acteur de premier plan en ce qui a trait à la prévention des lésions professionnelles. On y adopte entre autres le principe de précaution : un retrait préventif que peut demander une travailleuse enceinte ou qui allaite ainsi que tout travailleur dont la santé nécessite ce retrait. On y trouve aussi le droit de refus de travailler dans un contexte mettant en danger notre santé et notre sécurité, entre autres. Cette loi instaure le programme de prévention, les services de santé au travail, les comités SST et le représentant à la prévention.
Au début des années 1980, l'Affaire Valade éclate. On apprend que l'ancêtre de la CSST : la Commission des accidents du travail a fraudée pendant près de 50 ans des milliers de travailleurs et travailleuses. La loi prévoyait leur indemnisation pour la diminution de leur capacité de travail lorsqu'il subsistait une atteinte permanente à leur intégrité physique, mais la commission n'en faisait rien. La CSST rédige alors des avant-projets de loi cherchant à recadrer ces termes et éviter qu'une situation comme celle-ci ne se produise à nouveau, en resserrant le cadre d'évaluation des diminutions de capacité de travail.
Les défis de la SST au Québec aujourd'hui sont en partie les mêmes qu'en 1931 : plusieurs maladies professionnelles sont toujours ignorées alors que les évidences scientifiques ont évoluées et sont plus convaincantes.
Le taux de refus des maladies professionnelles déclarées au Québec en 2011 était de 55,1%, donc plus d'une maladie professionnelle réclamée était refusée, et ces statistiques négatives découragent certains à soumettre une réclamation. Le Québec traîne loin derrière plusieurs pays européens comme la France, la Belgique et l'Allemagne en ce qui a trait aux maladies professionnelles reconnues. Et les résultats sont encore plus consternants lorsqu'on parle de cancers professionnels : le Québec est alors non seulement très loin derrière tous ces pays européens, mais accuse aussi un retard derrière la Colombie-Britannique et l'Ontario.
L'Uttam explique ces lacunes en partie par le fait que notre liste de maladies professionnelles comporte des descriptions trop génériques, les rendant plus difficiles à justifier lors du fardeau de la preuve. On peut également questionner la puissance des lobbys qui n'ont pas intérêt à ce que ces maladies soient reconnues, comme par exemple le lobby des mines avec les diverses maladies pulmonaires que l'extraction des minerais cause et qu'ils seraient forcés de compenser si elles étaient reconnues. Les pays en tête de liste ont une politique de révision de leur liste des maladies professionnelles forçant sa mise à jour à intervalle régulier, alors que la liste québécoise n'a pas été révisée depuis 1981, donc une loi très simple de ce côté pourrait faire un monde de différence pour protéger les travailleurs.
À cet effet, un document de l'Uttam énonce ceci :
« L'histoire est aussi riche d'enseignements en ce qui concerne les maladies du travail. Elle nous apprend que le rapport de force entre le patronat et le mouvement ouvrier est souvent plus déterminant que la reconnaissance scientifique d'une maladie du travail. »
(Réflexion sur l'histoire et les fondements du régime d'indemnisation des victimes d'accidents et de maladies du travail, Uttam, Montréal, 2004, p.18)
Depuis, des crises sociales sont souvent à la base de changements importants, comme celle du #moiaussi qui a amené un changement législatif obligeant les employeurs à se prévaloir d'une politique contre le harcèlement au travail ainsi que d'un système de traitement des plaintes.
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https://uttam.quebec/articles/maladiesdutravail.php
https://www.cnesst.gouv.qc.ca/a-propos-de-la-CNESST/structure_organisation/Pages/historique.aspx
https://www.caomsc.qc.ca/pdf/BREF_HISTORIQUE_DE_LA_SSTQ.pdf
https://www.erudit.org/fr/revues/cd1/1998-v39-n2-3-cd3815/043492ar/
https://uttam.quebec/rapport_camire.pdf