25/4/2022
Est-ce que l'absence de formation SST est une cause significative d'accidents de travail au Québec?
La CNESST permet de consulter les rapports d’enquêtes liés aux accidents de travail sur son site web mais retire automatiquement ceux qui atteignent un certain âge (environ 3 ans).
Ces rapports sont très bien détaillés, mais difficiles à consulter étant donné qu’ils sont sous forme de fichiers PDFs de plusieurs dizaines de pages.
Le format fait en sorte qu’il est difficile d’en faire ressortir des tendances claires et c’est justement dans le but d’aider à la prévention que nous en avons fait le condensé que nous vous présentons ici.
Nous avons compilé les 139 rapports d’accidents mortels disponibles sur le site de la CNESST survenus au Québec du 18 mars 2017 au 28 avril 2021.
Une partie importante des accidents s’étant déroulés en 2021 ne sont pas encore disponibles sous forme de rapports d’enquête. Notre but à travers ce document est de faire ressortir les principales tendances des dernières années en termes d’accident mortels et de les analyser pour faire en sorte que la prévention d’aujourd’hui soit aux faits des enjeux des dernières années.
Il est possible que nos chiffres soient un peu en dessous de la réalité car cet article de 2019 dénote qu’il y a environ 60 accidents mortels au travail qui surviennent à chaque année, ce qui devrait apporter le total des enquêtes à près de 180 plutôt que les 139 auxquels nous avons pu accéder.
D’ailleurs, il est probable que ce nombre ait baissé pendant la pandémie étant donné que de nombreuses entreprises avaient un effectif restreint pendant cette période.
Nous nous intéressons ici uniquement aux accidents mortels parce qu’en plus d’avoir un incident fort sur le stress et la détresse des travailleurs de l’entreprise, un accident de travail mortel peut avoir de graves conséquences pour l’entreprise si elle est jugée responsable :
• Augmentation potentielle de la prime payée à la CNESST pour le programme d’indemnisation des victimes d’accidents de travail si l’entreprise est de taille importante;
• Amende si l’employeur a contrevenu à la Loi sur la santé et la sécurité du travail ou agi de façon à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs. L’amende est la même pour les petites que pour les grandes entreprises, mais comme les petites entreprises ont typiquement moins de moyens elle les affecte disproportionnément;
• Frais funéraires;
• Pertes en productivité;
• Coûts reliés à l’embauche d’un nouveau travailleur;
• Etc.
L’amende à elle seule, lorsqu’il y a infraction de l’employeur, peut varier de 17 K à 70 K pour une première offense et peut atteindre plus de 350K en cas de récidive (donc si l’employeur est trouvé à nouveau responsable d’un accident mortel causé par sa négligence).
À cet effet ce document de l’IRSST explique en profondeur tous les impacts que peut avoir une lésion professionnelle.
Nos données recueillies ici sont également disponibles sous forme de carte géographique au lien suivant.
Le résultat global montre une quantité significative d’accidents mortels survenus lors d’activités de travail en hauteur (21) et de contrôle des énergies (20).
On constate qu’année après année, les décès liés au travail en hauteur et au contrôle des énergies surviennent toujours à une fréquence bien plus grande que les autres types de décès.
À ce titre, nous pensons qu’une attention toute particulière à la prévention dans ces deux domaines est nécessaire et toujours d’actualité, que ce soit par l’information, la formation SST ou autres. Rappelons qu'une partie significative des enquêtes de 2020-2021 restent probablement à venir.
Travail en hauteur - graphique des causes d'accidents mortels
En 1ère position, en plus d’être le type d’accident le plus fréquent, les accidents qui surviennent lors de travaux en hauteur sont plus souvent graves ou mortels que ceux liés à d’autres activités, d’ailleurs le Portail Constructo la désigne en 2019 comme L’industrie la plus meurtrière pour les accidents de travail et nos données convergent dans la même direction.
Ces accidents surviennent typiquement d’une de ces trois manières :
• Chute à travers un toit dont le matériau est fragile (il semble souvent plus solide qu’il ne l’est, donnant un faux sentiment de sécurité) ;
• Chute dans le vide sur les extérieurs ;
• Chute dans un trou ou dans un escalier .
Les solutions suivantes réduisent considérablement les risques de chutes :
• Mise en place de protections collectives (échafaudages, plateformes avec garde-corps) ;
• Mise en place de protections individuelles (harnais antichute) ;
• Utilisation adéquate des dispositifs tel que le point d’ancrage et autres ;
• Faire une inspection des lieux de travail avant le début des travaux pour déceler les dangers et prendre les mesures de maîtrise des risques appropriés.
Notre étude soulève également les grandes causes suivantes, tirées à même les conclusions des enquêtes, et qui sont parfois ignorées :
• 42% - Équipement de protection contre les chutes manquant ou désuet
• 33% - Formation SST déficiente
• 12% - Méthode de travail dangereuse
• 12% - Supervision déficiente
On soulève donc, qu’outre les enjeux physiques liés à l’équipement, la formation SST et la supervision des employés est un élément critique dans la prévention des chutes de hauteur entre 2017-2021.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre article de blogue sur le travail en hauteur et réserver une formation Travail en hauteur pour vos employés.
Contrôle des énergies - graphique des causes d'accidents mortels
En 2ème position arrive le contrôle des énergies dangereuses. Par contrôle des énergies dangereuses, on parle généralement d’équipements mobiles, soit toute machine ou tout équipement autopropulsé, remorqué ou transporté (chariots élévateurs, épandeurs, camions à benne, nacelles, épandeurs, etc.). Lorsque les travailleurs doivent intervenir dans une zone dangereuse d’un équipement mobile, ils s’exposent consciemment ou non à des phénomènes dangereux d’ordre :
• Mécanique (équipement ou pièce en mouvement) ;
• Électrique (batterie, génératrice, condensateur, etc.) ;
• Hydraulique (éléments sous pression) ;
• Gravitationnel (accessoires placés en hauteur);
• Thermique (parties échauffées de l’équipement telles que le moteur, tuyau d’échappement, etc.) ;
• Pneumatique (ensemble des éléments sous pression tels que compresseurs, pneus, etc.) ;
• Chimique (acide dans la batterie, graisse, huile, etc.) ;
• Autres (risques physiques, qualité de l’air, collision avec d’autres véhicules ou équipements, contamination biologique).
Parfois, les accidents de travail qui surviennent en lien avec le contrôle des énergies sont causés par des interventions improvisées de maintenance et de réparations. À ce titre cette étude de l’IRSST rapporte les causes suivantes d’accidents reliés au contrôle des énergies dangereuses entre 2000 et 2013 :
• 29% - Chute d’un équipement mobile ou d’une partie d’équipement en hauteur
• 28% - Pièce en mouvement
• 19% - Véhicule en mouvement
Nos chiffres parlent donc aussi en premier lieu d’un réel manque de méthode de contrôle des énergies, mais aussi d’un enjeu humain : souvent les risques sont mal perçus, mal évalués et la formation SST ou la supervision sont déficientes.
À ce sujet, l’IRSST offre en ligne ce document intitulé Démarche de contrôle des énergies.
Nous vous invitons également à consulter notre article de blogue traitant du cadenassage.
Supervision - graphique des causes d'accidents mortels
Bien que la supervision ne soit pas une activité SST reconnue au même titre que le travail en hauteur ou la conduite de chariots élévateurs, le manque de supervision arrive en position comme cause d’accident mortel dans nos résultats. Aussi, nos données sont probablement en-dessous du chiffre réel quant à l’importance de cette cause d’accidents mortels étant donné son importance dans une large variété de types d’accidents : plusieurs causes sont souvent soulevées pour un même accident et le manque de supervision en fait souvent partie.
En l’absence de données plus concrètes à l’appui, on ne peut que spéculer sur la corrélation entre la pénurie de main-d’œuvre et le manque de supervision, mais il existe là une relation qui nous semblerait importante à confirmer ou démentir. Par ailleurs la documentation sur la supervision du travail dans le but de prévenir des accidents semble parsemée en ligne : c’est peut-être un angle-mort de la santé et sécurité au travail qui vaudrait le coup d’être éclairé.
Rappelons que la responsabilité revient à l’employeur d’assurer un milieu de travail sain et sécuritaire. Le superviseur peut être quelqu’un étant déjà :
• Propriétaire
• Gestionnaire
• Surintendant
• Surveillant
• Chef d’équipe
• Contremaître
• Chef de service
• Autre
Grâce à son expérience, sa formation et aux connaissances que lui fournit l’employeur, le superviseur peut s’acquitter de façon compétente de ses obligations d’informer, de renseigner et d’instruire les salariés avec pour objectifs :
• Qu’ils soient conscients des dangers et des risques associés aux tâches qu’ils accomplissent ;
• Qu’ils sachent comment travailler en toute sécurité ;
• Qu’ils aient reçu des instructions claires sur la façon d’effectuer les tâches en toute sécurité.
En outre, les superviseurs peuvent s’acquitter des activités de sécurité suivantes :
• Effectuer des inspections ou enquêtes ;
• Impliquer les salariés dans les décisions deSST qui ont une incidence sur leur travail ;
• Participer au comité mixte de santé et de sécurité ;
• Animer des réunions ou des exposés sur la sécurité ;
• Observer les salariés et encourager les comportements sécuritaires par rétroaction positive ;
• Reconnaître les salariés qui reconnaissent et qui signalent les dangers, conditions de travail dangereuses, accidents évités de justesse et incidents ;
• Montrer que la sécurité est autant importante que la production et la qualité du travail ;
• Noter au quotidien les résultats de sécurité dans un journal ou un carnet.
Notre étude démontre du côté des accidents mortels de travail ayant pour cause la supervision les éléments récurrents suivants :
• 41% - Supervision déficiente
• 29% - Formation déficiente
• 18% - Méthode de travail dangereuse
• 12% - Information déficiente
Chariot élévateur - graphique des causes d'accidents mortels
Le type d’accident mortel le plus fréquent lorsqu’il s’agit de chariot élévateur est le renversement du chariot qui conduit généralement à l’éjection du conducteur qui n’était pas attaché et qui se retrouve écrasé sous la machine lorsqu’elle renverse avec lui.
Parfois ce renversement est causé par un sol inégal avec un risque sous évalué du conducteur (boue, matériau fragilisé), d’autres fois lors d’un virage trop rapide alors que le chariot transporte déjà une charge, outrepassant le triangle de stabilité du véhicule.
Dans tous les cas, comme le chariot pèse typiquement plus de 2000 kilogrammes, son basculement crée un haut risque d’accident mortel, considérablement plus élevé lorsque le conducteur ne porte pas sa ceinture de sécurité. Vient ensuite le risque de coincement entre un chariot et une structure ou un autre véhicule.
Comme le chariot élévateur est très répandu, la formation des conducteurs est obligatoire afin de réduire ces risques de lésions graves ou mortelles. À cet effet notre étude dénote les causes suivantes d’accidents mortels :
• 40% - Formation déficiente
• 30% - Supervision déficiente
• 10% - Gestion de la circulation déficiente
• 10% - Supervision déficiente
• 10% - Organisation du travail déficiente
Nos données pointent le manque de formation SST des caristes comme étant la cause la plus fréquente d’accidents de travail mortels liés à la conduite de chariots élévateurs. Pour plus d’informations, consultez notre guide pratique, notre article traitant de 7 manières de réduire les risques d’accidents de caristes ou le descriptif de notre formation SST chariots élévateurs.
Signalement routier - graphique des causes d'accidents mortels
Tout comme la supervision, un signalement routier déficient est une cause significative d’accidents mortels selon nos données, arrivant à la 5ème position.
Lors de travaux s’effectuant sur le chemin public, la présence d’un signaleur routier est nécessaire lorsque :
• Les véhicules doivent obligatoirement s’arrêter à proximité de la zone des travaux;
• La circulation doit se faire sur une seule voie, en alternance dans les 2 sens ;
• La circulation des conducteurs et de la machinerie doit être dirigée dans la zone de travaux;
• La zone de travaux est impossible à voir à une distance sécuritaire.
Dans les décès qui soulignent l’absence d’un signaleur routier, les causes sont réparties comme suit :
• 33% - Mauvaise gestion de la circulation
• 22% - Signalisation déficiente
• 22% - Formation déficiente
• 11% - Supervision déficiente
• 11% - Manque de visibilité du travailleur
La CNESST met à disposition ce document pour en apprendre plus sur le sujet, notamment sur le rôle et les responsabilités du signaleur routier et sur les moyens de prévention permettant d’atténuer les risques d’accident au travail.
Espace clos - graphique des causes d'accidents mortels
Les accidents mortels survenus en espace clos représentent 3.6% des 139 décès au travail entre 2017 et 2021, arrivant au 6ème rang de notre compilation.
L’espace clos possède les caractéristiques suivantes :
• Il n’est pas conçu pour être occupé par des personnes;
• Il a un ou des accès restreints;
• Il possède des risques pour la santé et la sécurité du travail.
Quelques exemples d’espaces clos:
• Réservoirs de stockage
• Tunnels
• Silos
• Cuves
• Citernes
• Camions-citernes
• Chaudières
• Fossés
• Égouts et fosses septiques
• Bâches d’aspiration des pompes
• Dégraisseuses
Nos données montrent comme causes les plus fréquentes d’accidents mortels en espace clos les suivantes :
• 44% - Mauvaise gestion du travail en espace clos
• 22% - Formation déficiente
• 11% - Détection des gaz fautive
• 11% - Manque d’équipement de protection individuel
Élagage & abattage - graphique des causes d'accidents mortels
Bien que cette rubrique soit un peu plus nichée, l’élagage et l’abattage arrive au 7ème rang des sources d’accidents mortels entre 2017 et 2021 selon nos résultats avec 3.6% des 139 décès survenus.
Ce domaine recoupe celui du travail en hauteur sur plusieurs points, mais aux risques de chute de hauteur d’un travailleur s’ajoute celui d’être écrasé par la chute d’un arbre si un imprévu survient, ou encore de subir un choc électrique lors de coupe de branches près des réseaux électriques aériens. Ces risques et bien d’autres rendent le travail particulièrement dangereux et donc l’équipement et la formation SST adéquate encore plus nécessaire afin de préserver l’intégrité physique des travailleurs.
Nos données montrent les causes les plus fréquentes d’accidents mortels suivantes :
• 43% - Méthode de travail inadéquate
• 29% - Organisation déficiente
• 14% - Formation déficiente
• 14% - Supervision déficiente
Équipements de protection individuelle - graphique des causes d'accidents mortels
À la position de nos données, les éléments de protection individuelle, ou plutôt leur absence, sont un enjeu plus rarement cité comme cause d’accident mortel.
Des trois décès recensés, deux d’entre-eux dénotent l’absence d’EPI et l’autre une déficience au niveau de la formation SST. Bien que les EPIs (vêtement de protection, appareil de protection respiratoire, casque de sécurité, gants, etc.) limitent les conséquences d’un accident ou incident sur l’utilisateur, ils ne préviennent pas les accidents et ont donc, par nature, un rôle moindre comme cause d’un accident mortel.
Plateforme élévatrice - graphique des causes d'accidents mortels
Finalement, à la 9ème position se trouve la plateforme élévatrice, incluant un seul décès sur les 139 encourus et analysés entre 2017 et 2021. Trois causes ont été soulevées dans le rapport d’enquête :
• 33% - Gestion des travaux déficiente
• 33% - Formation déficiente
• 33% - Supervision déficiente
Notre guide pratique sur la nacelle est disponible gratuitement en ligne si vous désirez en apprendre plus.
La catégorie Autre contient une panoplie d’accidents de travail dont la source ne peut pas être facilement attribuée à une des catégories ci-dessus par exemple, mort par coup de chaleur, perte de contrôle d’un tracteur circulant en bordure d’un canal d’inondation, travailleur frappé par une remorqueuse, etc. Plusieurs d’entre-eux pourraient être groupés vaguement dans certaines de ces catégories mais par soucis de transparence nous avons décidé de garder ce rapport aussi objectif que possible et donc de nous en abstenir.
En conclusion, bien qu’il soit prévisible de retrouver le travail en hauteur et le contrôle des énergies au sommet des activités causant des décès au travail, un fait bien documenté, ces enjeux sont toujours d’actualité année après année et requièrent une vigilance accrue des entreprises concernées.
On s’aperçoit aussi que le manque de supervision et de formation SST sont des enjeux très actuels qui entraînent une quantité importante d’accidents au travail partout au Québec, ayant une incidence sur la majorité des domaines analysés ici(travail en hauteur, contrôle des énergies, chariot élévateur, etc.).
Chaque décès qui survient en milieu de travail est un décès de trop et entraine des conséquences importantes sur la vie des victimes et aussi sur celle de tous leurs proches. Employeurs, travailleurs et travailleuses détiennent leur part de responsabilité pour maintenir un environnement de travail sécuritaire. Les moyens existent, les formations sont importantes. Parler de santé et sécurité au travail, c’est important.
Nous nous demandons aussi s’il existe une corrélation entre le manque de supervision et la pénurie de main-d’œuvre. À cet effet, cet article de facteurrh propose de déléguer les tâches administratives/cléricales des superviseurs à un employé non-cadre dans le but de libérer davantage de leur temps pour le travail sur le terrain si nécessaire, ce qui nous semble pertinent au vu de nos données.
Nous espérons que cette analyse sur les accidents mortels au travail vous aura permis de constater que la prise en charge de la santé et sécurité au travail est l’affaire de tous.
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